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Etre un enfant surdoué, atout ou handicap ?

Sur France 3 Corse, le débat de l'émission Via Nova a proposé cette semaine un échange sur la précocité intellectuelle. Comment identifier les enfants précoces, comment les prendre en charge et surtout, la précocité est-elle un avantage ou un handicap ?

Etre un enfant surdoué, atout ou handicap ?

On estime à 2.3% le taux d’enfants précoces, un taux invariable qui, rapporté à la France, représente à peu près 200.000 élèves âgés de six à seize ans. Si l’on ajoute au potentiel intellectuel le potentiel artistique ou créatif, ce chiffre est facilement doublé. Une particularité que certains considèrent comme une chance, mais qui peut être source de difficultés scolaires ou encore sociales. Comment détecter ces jeunes à haut potentiel, comment les accompagner au mieux ?

Pour en parler, nous accueillons Kelly Raireri, conseillère pédagogique de l’Education Nationale, Pascale Balenci, coach pour adultes à haut potentiel, et Marie-Amélie Garcia, psychologue et auteur du Journal d’Hugo. Depuis Bastia nous retrouveront également Sébastien Monciovi, responsable de l’association française pour les enfants précoces de Haute-Corse.

Marie-Amélie Garcia, quels sont les critères objectifs qui permettent de qualifier un enfant de précoce ?

Marie-Amélie Garcia – De manière objective, on a des tests psychométriques, mais généralement en se rend compte bien en amont des traits caractéristiques du haut potentiel. Les parents notamment peuvent s’en rendre compte, d’autant plus s’ils sont à haut potentiel eux-mêmes.

Mais je suppose que tous les parents trouvent que leur enfant est particulièrement éveillé et plus tonique que la moyenne, alors comment peut-on définir le haut potentiel ?

Marie-Amélie Garcia – Effectivement ils sont tous éveillés. Cependant les enfants à haut potentiel sont des enfants qui sont “hyper”. Par exemple au niveau sensoriel, vous allez avoir des enfants qui ne veulent pas s’habiller avec les affaires que vous voulez leur faire porter. Les étiquette le grattent, il va être très sensible au son, avoir une mémoire extraordinaire… Ce sont des profils qui sont tous différents, mais il y a quand même des similitudes. Ils peuvent être très colériques, jamais sans raison, ou peuvent avoir très tôt des interrogation vis-à-vis de la mort, qu’ils ont besoin d’expliquer. Ca peut-être très impressionnant.

Alors comment les amener à la phase de test, chez qui va-t-on ? Un spécialiste, un médecin ? Vers qui se tourner quand on est parent et que l’on n’a pas trop d’indications sur le sujet ?

Marie-Amélie Garcia – Ça dépend des régions, il y a des endroits où c’est plus difficile que d’autres d’être orienté correctement. Généralement à l’entrée à l’école, lorsqu’il commence à y avoir des soucis, on vous dit “allez voir un neuropsychologue ou le psychologue scolaire qui vous faire passer un test”. Il y a aussi des observations cliniques qui sont très importantes, donc il faut essayer de trouver la bonne personne.

Vous en recevez beaucoup ?

Marie-Amélie Garcia – Personnellement je ne fais pas passer de tests, mais j’accompagne les enfants et les parents en difficulté en fonction des résultats aux tests.

Et que veut dire le chiffre que l’on accole au quotient intellectuel ? Il semble y avoir une espèce de barrière à franchir, 120 ou 130 ? Qu’est-ce que cela signifie réellement ?

C’est très compliqué, même entre psychologues nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord. Je suis pour ma part certaine qu’au-delà de 130 à un seul score, parmi tous les indices que nous évaluons, vous avez déjà un profil à haut potentiel. Le chiffre montre votre positionnement par rapport à la norme sur la courbe de Gauss.

A partir de quel âge peut-on détecter et faire tester les enfants ?

Il y a des tests faisables assez tôt, mais disons qu’à partir de 4-5 ans vous pouvez commencer à avoir des tests pertinents dans la définition des profils.

On imagine que les parents jouent un rôle essentiel, et là je m’adresse à vous Sébastien ; vous êtes responsable de l’association française pour les enfants précoces de Haute-Corse, comment les parents gèrent-ils l’identification de ce haut potentiel ?

Sébastien Monciovi – Alors avant tout j’aimerais présenter notre propre définition de l’enfant à haut potentiel. En fait les enfants à haut potentiel, pour sortir des préjugés, je pense que ce ne sont pas des enfants plus intelligents. Un enfant de huit ans, par exemple, va avoir des relations avec des enfants de huit ans dans un corps de huit ans, avec des attributs de huit ans, mais va avoir un mental, une conception du monde que ce soit au niveau de la mort, du questionnement sur le sens de la vie, au delà de leur âge, et aussi parfois un émotionnel en-deçà de leur âge. Vous pouvez donc imaginer l’éclatement de ces enfants, qui peut être plus ou moins important et dur pour eux. Les parents sont souvent amenés à être se rendre chez le psychologue, parce que leur enfant souffre. Et cette souffrance est rarement présente chez des enfants hyper-intelligents.

Quelles sont les actions menées par l’AFEP pour accompagner les enfants et leurs familles, justement ?

Sébastien Monciovi – Il y a une permanence téléphonique, que l’on peut trouver sur le site de l’AFEP. En tant que parent ou que représentant on essaie d’aider les autres parents en parlant avec eux et en leur donnant des conseils ; on trouve aussi le groupe facebook, plutôt actif et permettant aux gens de discuter et d’échanger. Nous organisons aussi des conférences, sur divers sujets tels que les tempêtes émotionnelles chez l’enfants précoce, et essayons de mettre en place des rencontres en parents et enfants au cours de l’année.

Pascale vous êtes coach pour adultes à haut potentiel et mère d’un enfant dans ce cas, comment vous en êtes vous rendu compte ?

Pascale Balenci – Je vais rejoindre ce qu’on dit Sébastien et Marie : les tempêtes émotionnelles, les comportements dans le quotidien qui causaient des soucis, un enfant qui ne se sentait pas bien… le côté émotionnel ressort beaucoup. Ce sont des enfants qui ont du mal à gérer leurs émotions ; il faut que ça sorte, que ça s’extériorise.

Mais vous faites une vraie distinction avec les caprices ? Parce que certains enfants sont seulement capricieux !

Pascale Balenci – Alors justement, le problème est qu’au départ, en tant que parent, on est un peu perdu. On essaie de comprendre. Et là réside la difficulté ; il faut trouver la cause de la souffrance, interagir avec l’enfant. On voit bien qu’il a des problèmes au niveau comportemental, donc on va se rapprocher de psychothérapeutes, de gens dont comprendre ces enfants est le métier. C’est après que l’on est orienté vers des psychologues et autres spécialistes qui nous mettent ou pas sur la piste du haut potentiel et du test. Le but, c’est que les parents arrivent à mettre des mots sur les maux, pour comprendre ce qu’ils ne comprenaient pas au départ. Et une fois qu’on aura mis le doigt sur quelque chose, on va étudier ce paradigme pour mettre en lumière l’identité de notre enfant. Comme le disait Sébastien, on sent qu’il y a un potentiel, une tendance à l’ “hyper” dans tous les domaines ; ce n’est pas juste plus, c’est un peu plus que d’autres. Ce n’est pas une intelligence supérieure, c’est “hyper”. Et une fois que l’on comprend cela, et je parle en tant que parent, c’est un soulagement car ça nous permet de mieux accompagner notre enfant, et de discuter avec d’autres parents dans le même cas.

Comment l’Education Nationale appréhende-t-elle ce phénomène d’enfants précoces, ou à haut potentiel ?

Kelly Raireri – C’est une problématique qui fait partie des préoccupations de l’école, dans le cadre notamment du projet d’école inclusive qui a été réaffirmé ces derniers mois. Et à l’échelle de l’académie de Corse, le principe de l’école inclusive et l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, dont les EIP, fait partie intégrante du projet académique. Je pense que l’école a un double rôle : celui de repérage, car il est évident que pour qu’un diagnostic soit établi par un professionnel, il faut qu’un personne ait émis cette hypothèse, et l’école y joue un rôle important ; et puis un rôle d’accompagnement, car chaque élève doit se voir proposer des réponses adaptées en fonction certes des difficultés et des besoins, mais aussi en s’appuyant sur ses centres d’intérêt.

Justement, comment combiner l’apprentissage, la scolarité avec l’épanouissement personnel ?

Pascale Balenci – Ce sont des enfants qui ont besoin de donner un sens à tout ce qu’ils font, aussi bien au sein de l’école qu’à l’extérieur. Ce sont des enfants qui ont besoin d’être motivés et rassurés. Et comme le disait Sébastien, émotionnellement on parle souvent d’un enfants plus mûr que son âge ne le laisse penser, du moins du côté intellectuel. Mais ceux-ci ont souvent du mal à faire la différence entre le professeur et la matière qu’on leur enseigne parce que la partie affect est très importante. Et il y a souvent une lacune au niveau de la gestion de ses émotions, qui empêche l’enfant de partager, communiquer et avoir un dialogue constructif et posé. Il est nécessaire qu’il s’ouvre à lui-même pour pouvoir s’ouvrir aux autres.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par ces enfants et, du même coup, par leur famille

Marie-Amélie Garcia – A priori à l’école, il y a souvent une déception de la part des enfants à haut potentiel. Ils sont très contents à l’idée d’aller à l’école, mais se retrouvent vite en dénutrition. De plus, ils se sentent un peu seuls au monde, il n’y en a en moyenne qu’un par classe environ, ils se sentent différents même si ils ne peuvent mettre de mots dessus. Et quand on se sent différent, en tout cas pour ces enfants là, on commence à se trouver nul. Donc on va très vite tomber sur des propos très inquiétants de bonne heure, pour certains enfants. Ça fait aussi partie des indices quantau potentiel.

Kelly, est-ce qu’il vaut mieux les regrouper dans une classe, ou plutôt les répartir pour un meilleur échange ?

Kelly Raireri – Si on est d’accord avec le principe de l’école inclusive, les élèves intellectuellement précoces comme tous les autres élèves à besoins particuliers doivent être scolarisés dans une classe ordinaire. Je pense que c’est une chance pour le collectif parce que ça permet de travailler l’acceptation de la différence, et ce qui est préconisé pour les élèves intellectuellement précoces est souvent très bénéfiques pour les autres élèves. Donc ce qu’on met en place pour ces élèves-là rejaillit sur l’ensemble de la classe.

Bien sûr. On va conclure avec Sébastien ; alors pour vous, est-ce un avantage ou un handicap d’être un enfant précoce, pour vous ?

Sébastien Monciovi – C’est-à-dire que les enfants précoces sont, d’après le psychologue Carlos Tinoco, des enfants qui ne peuvent pas voir que le monde ne tourne pas très rond. Ce n’est pas une définition extraordinaire, j’en ai conscience. Ça peut être un avantage d’être conscient du monde, mais aussi un désavantage qui place l’enfant précoce en situation de décalage par rapport aux autres enfants, au niveau scolaire et social.

Pour conclure très vite Pascale ?

J’ai envie de dire que la précocité, le potentiel, même si c’est vécu au départ parfois comme un fardeau, il faut s’en servir réellement comme un cadeau, parce qu’être HPI c’est un don, et il faut le mettre en lumière.

Marie-Amélie ?

Il faut savoir que ce qui les invalide, c’est le regard de la société. Donc il faut s’ouvrir à eux, et ça ira beaucoup mieux ; il n’y aura plus de problèmes.

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