Entretien avec Isa Lise, spécialiste de l’école à la maison
La période particulière que nous traversons a été l'occasion pour nombre de parents de découvrir la scolarisation à distance et tout ce qu'elle peut apporter tant à l'enfant qu'aux parents.
Suite à notre appel à témoignages sur l’école à la maison en période de confinement, nous avons reçu parmi d’autres les questions de Céline :
Je suis maman d’un petit garçon de 3 ans et demi, qui n’est pas diagnostiqué comme ayant un haut potentiel (pas de test effectué), mais qui en porte les caractéristiques. Depuis le début du confinement, je remarque qu’il a retrouvé une joie de vivre qu’il n’avait plus depuis qu’il est rentré en PS. J’ai essayé de lui donner les exercices proposés par sa maîtresse à l’école, et d’autres fiches qui m’ont été données par une professeur des écoles pour le faire travailler, mais rien de tout cela ne m’a convaincue. J’observe que notre fils apprend en expérimentant, en manipulant à sa guise tous les objets qui l’intéressent dans la maison et dans le jardin. Je commence à lire des choses sur la pédagogie Montessori, mais elle est difficilement accessible (géographiquement et financièrement). Je me pose donc la question de l’instruction à la maison, et j’aimerais avoir des témoignages de parents qui l’ont fait. J’ai beaucoup de questions à ce sujet : comment concilier école à la maison et vie professionnelle ? Comment le faire avec plusieurs enfants d’une même fratrie ? Peut-on le faire avec une ou d’autres familles ? Comment assurer une sociabilisation, sujet sensible chez les enfants à haut potentiel qui se sentent souvent bien seuls avec les autres enfants, mais qui peuvent aussi avoir tendance à se focaliser sur leurs sujets de prédilection, au détriment de la communication avec ceux qui les entourent ?
Pour répondre à ces interrogations, nous sommes entrés en contact avec Isa Lise, enseignante de formation et spécialiste de l’école à la maison et de l’instruction en famille.
Isa Lise et l’Instruction En Famille
Présentation
“Avant même que mes enfants naissent, je connaissais cette possibilité d’instruction en famille. Instruction en famille et non école à la maison confinée car les réalités sont différentes.
Dans la première situation, le parent choisit le mode d’instruction de son enfant, il choisit les outils et éventuels intervenants, il est le “grand coordinateur”. Dans la seconde situation “école à la maison-confinée”, le parent suit les directives de l’école. Dans la première situation, l’enfant apprend en réalité partout et tout le temps, il rencontre d’autres enfants et des adultes. Il n’est pas enfermé. Pour nos zébrillons, c’est une formidable opportunité pour apprendre, participer à des activités, visiter des musées, découvrir les animaux par des balades plus fréquentes en forêt par exemple. L’école confinée ne permet pas d’explorer tout ce champ des possibles.
Le champ des possibles, c’est sans doute une des plus belles chances que nous a offert l’instruction en famille.
Autrefois, j’avais peur. Peur de l’isolement. Peur de ne pas savoir les accompagner y compris si j’étais enseignante de formation. Après tout, accompagner ses enfants tout le temps, ce devait être un exercice difficile et puis, je n’avais pas la science infuse. Comment ferais-je lorsqu’elles grandiraient ? J’ignorais alors la réalité de l’instruction horizontale, celle où on apprend avec l’enfant, celle qui permet de chercher des personnes ressources-spécialistes dans leur domaine, si besoin.
L’instruction en famille est entrée dans nos vies à la fois comme un bonheur et une brutalité. Une brutalité car l’école s’est révélée inadaptée à nos deux filles zèbres et à profil particulier. Un bonheur car nous avons énormément appris et partagé pendant cette décennie à découvrir ensemble ! Surprise : non seulement les filles ont renoué avec leur appétit insatiable de découvertes (appétit qui ne s’est toujours pas démenti 3 ans plus tard), mais moi aussi !
Ensemble, jour après jour, nous avons appris, exploré, essayé bien des façons d’apprendre. Niveau lycée, nous avons même testé une année de cours par correspondance pour l’une et une matière pour l’autre, une expérience jugée ennuyeuse, peu gratifiante et peu adaptée à leurs particularités. Les deux filles ont finalement décroché le bac sans école, sans cours par correspondance. L’une voulait seulement le bac, elle l’a obtenu à 17 ans. L’autre visait la mention, elle est passée tout près de la mention très bien à seulement 16 ans et a tout de même décroché la mention bien sans apprentissage vraiment scolaire avant les années bac.
Tout cela a été possible grâce au champ des possibles, à l’incroyable fertilité des apprentissages alternatifs, à l’extraordinaire richesse des apprentissages centrés autour de l’enfant.
Cette jeune fille est dyspraxique, souffre d’un trouble de l’attention et pourtant elle a excellé. Un parcours loin d’être la norme pour les jeunes comme elle, l’instruction en famille et adaptée lui a donné des ailes.
Forte de ces expériences, désireuse de soutenir d’autres familles, j’ai beaucoup partagé via plusieurs blogs et deux maisons d’édition m’ont sollicitée afin d’écrire un livre : L’école à la maison – Des pistes pour apprendre autrement est tout d’abord paru aux éditions de l’Instant présent, puis Faire l’école à la maison aux éditions Eyrolles.
Quant à moi, je continue de m’engager de bien des façons auprès des familles sans école. Ainsi je mets à disposition de nombreux outils gratuits ou payants dont toutes les informations légales, des courriers type, des grilles d’objectifs, des outils pour apprendre et même des programmes alternatifs sur mon site.
Isa LISE, autrice, blogueuse et pédagogue
http://fairelecolealamaison.blogspot.com/
http://apprendreavecbonheur.blogspot.fr
https://lemondedemeietnoe.com
http://lenviedapprendre.kneo.me/
Les réponses d’Isa Lise à Céline
Comment concilier école à la maison et vie professionnelle ?
Alors tout d’abord prendre conscience que si cela est possible (parmi les personnes qui m’ont demandé conseil, il y avait même une femme médecin et un homme qui travaillait à l’extérieur), cette réalité est plus ou moins facile en fonction de l’âge des enfants, de leurs besoins, des choix pédagogiques réalisés et des aides extérieures possibles.
L’idéal est d’avoir un relais : soit un grand parent, soit un proche, soit au moins deux parents qui peuvent organiser leurs horaires. A savoir : il est strictement interdit d’instruire ensemble des enfants de deux familles sans se déclarer en école.
Si l’enfant est grand et autonome, possible qu’il reste seul à certains moments et même qu’une partie de l’instruction se passe seule. Si l’enfant est petit, il aura moins besoin de temps d’instruction. Le temps scolaire est bien plus long que le temps d’instruction en famille en règle générale. Ainsi une à deux heures par jour peuvent suffire chez l’enfant de maternelle.
S’il n’y a pas de préparation à prévoir, cela représente donc peu de temps d’instruction. La question qui se pose alors est une question de garde : qui peut garder l’enfant pendant l’absence ? Possible que l’autre parent le fasse ? Relais des grands parents possible ? Jeune fille au pair ou mamie à domicile (la “mamie” étant en fait une personne extérieure qui n’est pas de la famille). Si besoins particuliers, jeune enfant, c’est plus compliqué. Pour ma part, c’est pour offrir plus de liberté à ces parents d’enfants exceptionnels que j’ai commencé à penser à mes programmes, y compris s’ils ne se limitent pas à eux.
Pour éviter le burn out, il est indispensable de ne pas s’oublier dans cette organisation.
Comment le faire avec plusieurs enfants d’une même fratrie ?
Si les enfants sont autonomes, c’est plus facile à gérer. Pour ma part, et pas seulement si l’enfant n’est pas autonome, je conseille un tronc commun pour au moins une partie des apprentissages. D’une part, cela permet de favoriser les échanges. D’autre part, les termes “instruction en famille” prennent ainsi tout leur sens. Apprendre ensemble autour d’un même thème, c’est aussi considérablement s’alléger la tâche, le cerveau joue moins à l’élastique et on doit moins chercher dans différentes directions.
Là encore c’est aussi pourquoi je conçois des programmes à thèmes de la maternelle à la 6e. Je vous conseille donc des temps communs, mais aussi des temps distincts où vous avez annoncé à tel moment je serai avec A, puis avec B et des temps “libres” où soit vous êtes à côté et occupé à autre chose, soit vous répondez à l’un ou à l’autre en fonction des besoins.
Peut-on le faire avec une ou d’autres familles ?
Non c’est strictement interdit et puni par la loi. En revanche, vous pouvez partager des temps pour une visite ou une expérience par exemple.
Comment assurer une sociabilisation, sujet sensible chez les enfants à haut potentiel qui se sentent souvent bien seuls avec les autres enfants, mais qui peuvent aussi avoir tendance à se focaliser sur leurs sujets de prédilection, au détriment de la communication avec ceux qui les entourent ?
En fait, ça peut être plus facile en instruction en famille. Il n’y a plus à se nier, à se fondre dans un moule qui ne convient pas. En instruction en famille, les enfants ne fonctionnent pas en termes d’âge, ils ne se disent pas “lui il a mon âge, je joue avec lui”, ils se mélangent, certains se sentent même plus proches d’adultes. Il est important aussi de comprendre que l’enfant peut avoir besoin d’observer pour analyser, voir s’il se sent à l’aise. En instruction en famille, ça peut être plus simple. Par contre, même s’il a besoin qu’on respecte son rythme, il me semble important de l’encourager à rencontrer d’autres enfants ou des adultes, soit via les réseaux locaux (adresses ici : http://fairelecolealamaison.blogspot.com/2017/06/groupes-locaux-sans-ecole.html) soit via des activités en lien avec ses intérêts (club artistique, sportif, théâtre, club nature, club astronomie, etc.) soit via Internet (là encore en lien avec ses intérêts). Ainsi, par exemple, je connais un jeune garçon qui a sympathisé avec plusieurs pointures en biologie après s’être inscrit sur un site de science.
Nos questions à Isa Lise
Qu’entendez-vous exactement par école à la maison confinée : allusion à la période que nous vivons je pense. Y intégrez-vous, dans le principe, l’école par correspondance ?
Oui : il y a eu énormément d’articles sur l’école à la maison-école confinée, mais c’est un peu comme si on mélangeait tout.. partout on pouvait lire que ça ne marchait pas (travers bien français de voir le verre à moitié vide alors qu’il y a aussi eu des lieux où ça fonctionnait bien et des avantages pour beaucoup à vivre cette expérience). Le retour possible : la conclusion école à la maison-IEF = expérience qui a été vécue ces dernières semaines donc gros souci. Les deux réalités ne sont cependant pas identiques.
Vos produits suivent-ils le programme de l’Education Nationale ?
Un kit individuel propose des activités en lien avec un niveau (cycle et non classe afin d’aller plus ou moins vite en fonction des besoins). Les abonnements et programmes permettent d’avoir l’ensemble du programme de l’éducation nationale de la maternelle au cycle 2, l’ensemble du programme en maths et français pour le cycle 3 et tous les domaines prévus par le socle mais pas nécessairement en suivant le programme pour ces autres domaines.
Sont-ils adaptés aux enfants à haut potentiels et dans ce cas, comment choisir l’année à prendre ?
Oui, il y a d’ailleurs pas mal d’enfants à haut potentiel inscrits. Les parents apprécient que les kits soient particulièrement riches, répondent souvent aux intérêts des enfants à haut potentiel (Dinosaures, Egypte antique, Planètes par exemple). De plus, ils peuvent aller plus vite si besoin du fait qu’il s’agit d’un cycle et non d’une classe donnée. Concernant l’année, les kits sont exigeants, je conseille donc de ne pas viser trop haut. Si l’enfant a un niveau fort en GS, il peut opter pour un niveau GS/CP. Si l’enfant a un niveau fort en CE2, soit il tente le cycle 2 tout de même, soit le cycle 3 en sachant qu’il risque de fatiguer si son niveau n’est pas homogène et qu’il s’agit d’un niveau “début CE2”. En cas de doute, ne pas hésiter à me demander 🙂
Pourrait-on imaginer un mix maths/français sur des années différentes par exemple au sein d’un programme, en fonction des besoins de l’enfant ?
Oui : c’est permis du fait de ce système “cycle” (donc 3 années pour chaque kit). De plus, pour les enfants entre deux, il existe une formule abonnement spécifique (les abonnements des cycles 2, 3 et familiaux sont cependant ouverts seulement pendant 3 à 4 mois- les programmes sont, quant à eux, proposés toute l’année).
Peut-on visionner des exemples par année ?
Oui, il y a des extraits un peu partout. En fait, une grande partie des outils bonus présentés sur le site sont inclus dans les abonnements et programmes (concernant les kits : il existe des formules kits compris ou kits à choisir).Dernièrement, j’ai également proposé un court extrait des kits Planètes à télécharger, on peut également y découvrir les missions proposées avec ces kits : http://lenviedapprendre.kneo.me/shop/view/85B481
Merci à Céline pour son témoignage et à Isa Lise d’avoir accepté de répondre à nos questions. N’hésitez pas à partager vos propres avis et expériences sur les forums, et à consulter le reste du dossier sur l’école à la maison !
Sommaire du dossier
1- L’école à la maison et l’enfant précoce
2- La législation sur l’école à la maison
3- L’école à la maison en pratique
4- Quels cours par correspondance pour l’école à la maison ?
5- Notre témoignage sur l’école à la maison
6- Entretien avec Isa Lise, spécialiste de l’école à la maison
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