Quelle juste perception des enfants à haut potentiel devrions-nous avoir aujourd’hui ?
Quelle est la vision qui se cache à ce jour derrière le terme de haut potentiel ? L'image largement répandue du petit génie est tout doucement remplacée par une autre qui n'est pas forcément plus adaptée !
Si l’existence du haut potentiel semble mieux admise aujourd’hui et sa reconnaissance plus aisée, à force d’information, je me questionne en fin de compte sur les progrès réels réalisés, en termes d’image, mais aussi en termes d’accompagnement.
Je lis ça et là la presse et les articles consacrés au haut potentiel et me trouve, finalement, assez dépitée et lasse, pour être honnête.
Les titres que je relève à droite et à gauche sont les suivants :
Les haut-potentiel sont-ils des enfants à haut risque d’échec scolaire ? Le piège de la réussite facile. L’écriture n’est pas une alliée…
https://www.ora-visio.fr/les-haut-potentiel-sont-ils-des-enfants-a-haut-risque-dechec-scolaire/
Ou encore, en partie visible d’un article de Sciences et Vie, réservé aux abonnés :
Hyperactifs, surdoués, autistes… La tentation du surdiagnostic .
Notre société serait-elle atteinte du syndrome de la “diagnostite” aiguë ? Depuis quelques années, voire quelques décennies, la prévalence d’un certain nombre de troubles ne cesse de grimper, chez l’enfant comme chez l’adulte.
Tous ces titres sont connotés négativement, complétés par diverses possibilités de troubles associés qui n’embellissent pas le portrait !
Ma crainte est par conséquent que, par maladresse ou souci d’expliquer le haut potentiel avec ménagement, sans heurter les esprits, il en ressorte une image dégradée et négative.
Je repense à notre surprise suivie de joie sincère lorsqu’il y a quelques années nous sommes ressortis du cabinet du psychologue qui nous annoncé ce qui, pour nous et notre premier enfant, était une excellente nouvelle, malgré son caractère inattendu.
Je repense à notre enthousiasme lorsque nous avions annoncé cet heureux état de fait à son enseignante du moment, imaginant quel plaisir ce serait pour elle de côtoyer un enfant vif, curieux, en demande d’apprentissages.
Je repense à notre petit bonhomme, avant son entrée à l’école, souriant, amusé par la vie et curieux de tout, bavard, en train de poser mille questions, attirant les regards et intriguant les passants par son attitude singulière.
Est-ce cette image là, de l’enfant “vif” (c’est l’adjectif qui revenait toujours), intrigué, hyper réceptif et réactif que l’on retient aujourd’hui ?
Que penserait aujourd’hui son enseignante d’hier, à laquelle nous annoncerions maintenant avec des pincettes qu’elle a affaire à un enfant qui ne demande qu’à aller de l’avant, (pour ne pas dire à haut potentiel) ?
Ses pensées iraient-elles vers ses qualités, réelles, à entretenir et à développer, ou vers ses défauts, supposés, possibles ou à venir ?
Il m’attriste de lire que des parents sont remplis de désarroi à l’évocation ou lors de la confirmation du haut potentiel de leur enfant. Ils devraient au contraire pouvoir s’en réjouir et se trouvent confrontés à un mur d’incertitudes et d’angoisses.
Vous l’aurez compris, cela me désole qu’au bout du compte le haut potentiel qui devrait être perçu comme un facteur positif, bénéfique, pour la vie de l’enfant concerné mais aussi pour son entourage familial et élargi (scolaire notamment) soit finalement plutôt globalement redouté.
L’accompagnement de l’enfant à haut potentiel, une question d’approche.
A titre d’exemple, je souhaitais aujourd’hui partager le témoignage d’Eric Lecrosnier, papa de 3 garçons à haut potentiel aujourd’hui adultes et épanouis.
Son récit illustre bien à quel point l’accompagnement de l’enfant à haut potentiel est une question de point de vue et que le parti pris d’aller de l’avant et de voir les choses sous un angle positif est très largement profitable à tout le monde.
Je vous laisse lire son témoignage dont le titre donne le ton !
Je vous plains d’avoir un enfant comme ça !
Les paradoxes de l’enfant à haut potentiel
Voilà ce que nous avons entendu de la bouche d’un professeur de 5ème lors d’une réunion parents/professeurs. En rentrant nous pleurions ma femme et moi. J’ai dit à Odile : « qu’Henri était un enfant unique et formidable et que je ne changerais pas un point ni une virgule dans son être ».
Les problèmes ont commencé à l’école. Difficultés d’adaptation, pas d’amis, solitude, bagarres, dysorthographie, troubles de l’apprentissage. La totale. Face à cette avalanche de problèmes, une passion pour la nature, la botanique, les abeilles. Dès son plus jeune âge Henri a une grande érudition. Notre enfant était capable de tenir une conversation d’égal à égal avec des adultes experts dans ces domaines.
Pour notre enfant, gérer tout ça s’est révélé être un calvaire. Pour nous ses parents, il y a eu des moments très difficiles à surmonter. Comment accompagner notre enfant au sein d’une institution scolaire totalement inadaptée, voir maltraitante ?
De l’incompréhension…
Henri est allé en bac pro forestier. Premier lycée, il est renvoyé. Henri est la bête noire de la classe. Il est harcelé et ne nous dit rien. Il réagit mal à une brimade de toute la classe. Il sort son Opinel pour se défendre. Le CPE préfère renvoyer notre fils plutôt que d’aller au fond du problème.
Deuxième institution scolaire. Henri est renvoyé également. Nous avions mis en évidence des dysfonctionnements importants et avions averti l’inspecteur scolaire. Le prof principal, furieux après nous, a poussé notre fils à bout. Une mauvaise réaction d’Henri qui a permis à l’institution scolaire de renvoyer notre fils. Quand je suis venu chercher Henri, il y avait quatre personnes qui m’attendaient dans le bureau du proviseur.
… à l’amélioration …
Troisième institution, maison familiale. Ma femme est allée présenter Henri au proviseur. Ce dernier ne fait pas de commentaires. Il accepte notre fils dans son établissement.
Contre toute attente, l’année scolaire se passe bien. Le système Maison Familiale convient bien à notre fils. Henri revient avec souvent de bonnes notes, des encouragements. Les profs sont disponibles et compétents. Henri obtient son bac pro… avec mention. Je pleure. Je n’y croyais pas .
Au travers de cette scolarité en France, de la maternelle à la classe de première et toutes les difficultés rencontrées par Henri et nous ses parents, il y a eu de temps en temps des lueurs réconfortantes. Nous avions des retours de ses maîtres de stage très encourageants. Son maître d’apprentissage en terminale a été formidable. Il a très vite compris la personnalité d’Henri. Il a été bienveillant et aussi ferme quand il le fallait. Ils sont amis pour la vie. Nous avons constamment cherché des solutions. Parmi celles-ci le scoutisme. Ça a été pour notre fils une révélation. Il avait enfin des amis. Un groupe où s’intégrer. En plus c’était en forêt avec des chefs passionnés de botanique et aimant la nature.
Autre difficulté familiale, les deux autres frères d’Henri. Eux aussi précoces. Louis le frère aîné de deux ans. Le collège a été difficile mais aucune commune mesure avec la scolarité d’Henri. Louis est ingénieur chercheur, docteur en robotique. Le cadet de trois ans d’Henri s’appelle Charles. Charles est également précoce et décalé. Comme Louis, il a bien géré ce trait de caractère.
Charles est en 4ème année de médecine. Pour Louis et à un moindre degré Charles, ces années ont été difficiles également à vivre. Nous étions focalisés sur Henri. Nous avons dépensé une énergie énorme, au détriment de nos deux autres fils. Nous avons eu des reproches fondés. C’était très difficile de trouver le juste milieu.
… jusqu’à la révélation.
Janvier 2012, salon de l’étudiant à Caen. J’emmène mes deux cadets. Henri est en première et Charles au collège. Henri vient à contre cœur. Henri ne brille pas à l’école. C’est une année compliquée pour lui.
Nous nous promenons dans les allées. Charles est parti dans son coin. Mon regard est attiré par un stand. Cegep de la Gaspésie et des îles, province de Québec, Canada. Je dis à Henri, «on y va, pour voir ». Je rencontre l’animatrice en charge du recrutement des étudiants. Josyane deviendra une amie très proche de notre fils et de notre famille. Elle est la mère québécoise de notre fils. Josyane commence à discuter avec Henri. Elle montre un intérêt pour son cursus. Je n’en reviens pas.
Tout va très vite. Je vois mal mon fils partir si loin. En bon français je ne vois que problèmes et difficultés à ces études au Canada. En bonne québécoise, Josyane me propose des solutions à mes problèmes de français. Henri est dysorthographique. Josyane me répond « on a des programmes pour ça ». Josyane propose à Henri de venir passer 10 jours à Gaspé. Henri n’a que 17 ans et ne pourra pas être hébergé au CEGEP. Josyane accueille Henri chez elle. « Je n’ai pas les moyens de financer cette scolarité dans un pays où j’imagine que ça doit être très cher ». Les études au secondaire, l’équivalent BTS/DUT, sont totalement gratuites. L’hébergement n’est pas cher. L’enseignement que va y suivre Henri dure trois ans. Les profs sont très accessibles. Le tutoiement avec les enseignants est de rigueur. L’enseignement très pragmatique. Pas élitiste. Par exemple pas de botanique en latin. À quoi cela servirait-il ? Uniquement en français et en anglais si nécessaire. Il n’y a que les USA comme pays frontalier. La cartographie ne se pratique que sur ordinateur et avec boitier GPS. Rien à voir avec la France. Pas de mathématiques.
Uniquement des matières utiles sur le terrain. Le Cegep possède une forêt de 170 hectares qui sert pour les mises en situation. L’école possède deux énormes 4X4 américains pour les déplacements des élèves en forêt. Les professeurs des matières techniques sont tous ingénieurs. Rien à voir avec le niveau des profs de CFA ou de BTS. On sent que le secteur forestier est important. Les élèves des différentes dominantes sont mélangés pour certaines matières. On retrouve dans certains cours, des étudiants en lettres, en soins infirmiers, en éducation de jeunes enfants, en technologies forestière, en maintenance industrielle. La philosophie est un cours obligatoire. Notre fils va se passionner pour cette matière. Son prof va lui donner des montagnes de livres à lire. Henri a validé son cours de philo la première année. Il ira en auditeur libre les deux années suivantes et animera des cafés philo. Il y a un domaine où le Québec ne transige pas, c’est la maîtrise du français écrit. La matière s’appelle « épreuve uniforme ». Contrairement aux autres épreuves organisées directement par l’école, celle-ci est gérée et corrigée au niveau de la province. Beaucoup de jeunes français s’y cassent les dents. C’est un classique qu’on entend au Québec. Les jeunes français maîtrisent très mal leur langue. Vous imaginez pour Henri, qui n’a jamais dépassé le zéro en dictée ! Là, il faut oublier la France ou on n’a que des problèmes ! Le québécois, lui, n’aura que des solutions à vous proposer.
Henri a suivi un programme personnalisé qui lui a permis de se raccrocher aux branches. Orthophonie, cours particuliers payés par le Cegep, tiers temps en plus pour rendre ses devoirs sur ordinateur, apprentissage d’un logiciel québécois pour corriger ses devoirs. Henri a pu valider l’épreuve uniforme. Sincèrement, je n’y croyais pas. Vient ensuite la course à l’orientation. Nous avons toujours poussé nos fils à aller loin dans les études. Pas d’exception pour Henri.
L’étape d’après, c’est la fac et le diplôme d’ingénieur. Impensable pour moi il y a encore quelques mois. Mon fils va rentrer dans une université nord-américaine. L’université Laval, 40 000 étudiants. Au Québec, tout est possible. Même avec un bac pro, vous pouvez faire des études d’ingénieur. On vous demande de valider des matières de maths qui sont du niveau d’une classe de prépa. Vous commencez tout en bas et vous devez valider les cours graduellement. Henri a fait des maths et des sciences physiques intensivement pendant trois ans. Période compliquée. Je me trompe
dans les papiers d’immigration. Henri doit rentrer au pays pour 6 mois. Et puis faire des maths de prépa, n’est pas spécialement épanouissant. Surtout quand on se destine à étudier la biologie, la botanique…
Le plus dur est fait. Aujourd’hui, Henri a encore 4 semestres à valider pour être ingénieur forestier. Son diplôme est reconnu en France. Il est amoureux de Katherine, une québécoise spécialiste de l’orientation des scolaires et des adultes. Guy, le père de Katherine est ingénieur forestier et responsable scout de sa ville. Vous croyez en la providence…
Eric Lecrosnier.
En conclusion, je dirais qu’il faut continuer à porter un regard positif sur nos enfants et continuer à les valoriser pour le plus grand bien de tous. Avec la confiance et la bienveillance des adultes qui les entourent ils chemineront sur la voie de la réussite, malgré les obstacles.
Tout comme Eric, dites-nous, à travers vos commentaires, quels ont été les éléments moteurs et bénéfiques pour vos enfants ?
Parmi les nombreux livres publiés autour du haut potentiel, je vous recommande tout particulièrement, si vous souhaitez ne pas sombrer dans le fatalisme et garder une attitude optimiste, les deux ouvrages suivants :
Le livre de Tessa Kiebomm, pour bien “Accompagner l’enfant surdoué“, enrichi de nombreux exemples et témoignages très explicites.
Le livre illustré et plein d’humour de Chloé Romengas, intitulé “Rayures et Ratures“.
Je m'occupe d'Enfants Précoces Info depuis 2002. Je publie des articles et j'interviens sur la partie technique du site. J'essaye aussi de le faire évoluer pour qu'il soit le plus utile possible et qu'il vous rende les meilleurs services dans l'accompagnement de vos enfants. Je suis le papa de quatre enfants précoces nés entre 1997 et 2012 et, à ce titre, j'essaye de vous faire partager mon expérience.
2 commentaires
Laissez un commentaire
Découvrez notre plaquette d'information sur l'élève à haut potentiel !
L'école et l'enfant précoce ne font pas toujours bon ménage. A travers les 32 pages de ce livret, découvrez pourquoi il est important de tenir compte des besoins particuliers de l'élève à haut potentiel et comment agir au quotidien pour son bien-être et son épanouissement.
L'ABC de l'enfant surdoué
L’ABC de l’enfant surdoué présente 100 termes choisis pour aborder les différentes facettes de l’enfant à haut potentiel, de ses caractéristiques et des ses difficultés éventuelles.
Bravo pour cet article très positif, qui suscite l’envie de donner des ailes et de l’espoir à nos enfants ! Merci beaucoup pour ce beau témoignage.
En tant que franco-québécoise, je suis quotidiennement partagée entre voir et “vivre” le verre à moitié vide ou à moitié plein, et cela a un réel impact auprès de nos petits zèbres si sensibles. Même si les parcours ne sont pas toujours simples, l’important est de vivre les situations sans les affronter mais plutôt en se donnant les moyens de d’y croire et de réussir, et d’accepter les belles rencontres et les mains tendues.
Mon fils de 9 ans n’est qu’au début de sa scolarité, avec des années en maternelle pas forcément épanouissantes et aujourd’hui en CE2, avec une maitresse qui accepte ses différences, ses forces et ses difficultées.
Mme si j’ai confiance dans les formidables ressources de mon fils, je suis parfois inquiète par son manque d’assiduité, ses grandes difficultées à se concentrer et son envie de ne pas aller au bout des choses. Et pourtant, c’est grâce à des récits comme celui-ci qu’on a envie d’aborder les choses différemment, d’être davantage tournée solutions que problèmes et surtout de croire en nos enfants. Ce soir, ce sont mes racines québécoises qui raisonnent et je vous en remercie !
Je suis un hpi qui fut en échec scolaire. J’ai redoublé ma 5eme. Et ai péniblement obtenu 6/20 de moyenne en 3eme générale. J’ai aujourd’hui 41 ans. Après un passage en BEP et en bac pro au sein d’une MFR (Maison Familiale et Rurale) où le pragmatisme était l’essentiel, l’accompagnement pédagogique de qualité, jai réalisé des études supérieures. Je suis psychologue clinicien à La Réunion et ai validé un bac+8.
Mes deux fils également hpi, ont souffert de l’éducation nationale, pas faite pour eux, pour nous. Pour eux aussi, il a fallut mettre en place des pédagogies alternatives, sans pour autant que les études supérieures soit une obligation.
Docteur David Goulois.