Nombre de parents se découvrent des caractéristiques fortes communes à leurs enfants à haut potentiel. Lorsque celles-ci deviennent une réalité longtemps ignorée, elles engendrent une remise en question voire une “réécriture” de toute une vie. Comment “digérer” cet état de fait ?
A la suite de notre premier épisode sur le besoin d’identification, découvrons comment Didier Bertrand s’est accommodé de la découverte de son haut potentiel.
Il nous livre ici la deuxième partie d’un témoignage en trois parties sur son cheminement de plusieurs années déclenché par la révélation du haut potentiel, première étape indispensable à l’accomplissement de soi. Après le test et la confirmation du haut potentiel, une étape de maturation s’installe.
Didier Bertrand, d’ingénieur à écrivain de romans à suspense qui font du bien.
Des questions qui se succèdent…
« Maintenant que j’ai ma réponse et que le diagnostic est avéré, je peux passer à autre chose. » Passer à autre chose, un avis que l’on peut lire souvent. Plus facile à dire qu’à faire ! J’étais un peu sonné par le score obtenu au test et découvrais le THPI. Une semaine plus tard, je courais voir la psy en catastrophe : « Vous êtes certaine de ne pas vous être trompée ? Quelques-uns de vos tests n’étaient pas si compliqués… » Elle sourit et confirma le diagnostic.
Je passais les journées suivantes sur le web, à écumer les forums dédiés aux zèbres et à pleurer en lisant des témoignages qui mettaient tellement bien les mots sur mon enfance et ma vie d’adulte.
La fameuse pensée en arborescence, soi disant typique du fonctionnement HPI, me perturbait. Je ne voyais pas en quoi ma pensée l’était, arborescente. Il m’a fallu des semaines d’observation attentive de ma façon de fonctionner pour en prendre conscience. Puis je m’étonnai aussi de découvrir à quel point, en tant qu’individu, je m’insérais dans les cases que la psychologie avait construites pour les zèbres. Surtout, j’avais l’impression d’avoir trouvé mon troupeau et une nouvelle famille.
Suivies de colère…
Et j’étais en colère. J’en voulais à mes parents de n’avoir rien vu. J’étais révolté contre cette injustice qui me faisait découvrir si tard, à 42 ans, ce que j’étais. Je m’imaginais quelle aurait pu être ma vie si j’avais su qui j’étais à 15 ans. J’aurais séduit les filles, j’aurais pris ma place dans le groupe, j’aurais aimé les fêtes, j’aurais questionné les rails familiaux m’expédiant droit vers le métier d’ingénieur. Je n’aurais pas navigué à vue en changeant d’entreprise tous les trois ans, acceptant les emplois comme des cadeaux offerts, m’étonnant perpétuellement qu’on me fasse confiance. Je réinterprétais ce zapping professionnel à l’aune des fameux changements d’intérêts cycliques des hauts potentiels, dont on dit qu’ils se jettent à corps perdu dans un sujet avant d’en attaquer un autre. Surtout, j’aurais eu bien plus confiance en moi en éliminant ce sentiment diffus d’avoir quelque chose qui cloche. Je songeais à tous les possibles que je n’avais pas su saisir.
Colère qui se transforme au fil du temps en acceptation…
Après la révolte est venue l’acceptation joyeuse. J’avais beaucoup appris sur mon fonctionnement, je remettais du sens dans mon passé, mon enfance s’éclairait, je colmatais des brèches et mettait du baume sur des blessures. Je mettais des mots sur ma sensibilité exacerbée, les émotions envahisseuses maintenues à distance et les voyages en solitaire dans les livres et à travers le monde. Je pensais différemment de la majorité, ce n’était ni bien ni mal, c’était comme ça. Je jetais enfin un regard un peu plus positif sur moi-même. Je n’étais peut-être pas aussi maladroit et inadapté que je le croyais et n’avançais plus à tâtons dans la vie. Le THPI expliquait tout !
Pour se permettre de devenir vraiment soi-même
En fait, non. Il me fallut quelques temps encore pour contourner cet écueil d’attribuer causes et conséquences au haut potentiel, et aboutir à une phase d’acceptation sereine et nuancée. Le potentiel n’est qu’une facette de ma personnalité et je suis un tout plus vaste que ce trait cognitif. Je me suis autorisé à devenir moi-même, à être moins rude dans mes relations, à comprendre que mes sauts de pensées et mes implicites n’étaient pas toujours partagés, à porter plus d’attention aux autres et à moi-même.
Restait la grande question : qu’allais-je faire de ce HPI, qu’allais-je faire de moi ?
Didier BERTRAND est écrivain et a publié quatre romans mêlant suspense, voyage, humour décalé, références détournées et jeux de mots. N’hésitez pas à aller découvrir son site et ses romans : https://didierbertrand.com
Ce témoignage vous parle ? Racontez-nous comment vous avez vous-mêmes vécu la période post-identification ?
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Bonjour
J’ai été détecté tardivement par une collègue qui m’a conseillé de passer le test à 34 ans.
6 ans plus tard, je reste dubitative et me demande si la psychologue a bien fait de conclure à un haut potentiel alors que mon profil est hétérogène et que mon QI total est incalculable. J’ai un item à 136 mais d’autres items à 122. Cela fait une moyenne de 128.
Je suis à la limite.
La grille de lecture hpi m’a beaucoup aidé pour mieux me comprendre, mieux comprendre les autres, mettre des mots sur mon mal-être et mon sentiment d’imposture.
Par contre mes filles ne sont pas détecté hpi. Mon aînée a un profil dys et un QI total à 124.
Je parle beaucoup de chiffre car les psychologues me les renvoie sans cesse comme preuve que ma fille n’est pas hpi. Pourtant je la reconnais tellement, son enfance est tellement proche de la mienne …
Vous parlez beaucoup de thpi et de parents qui s’identifient suite à la détection de leurs enfants.
Je vis exactement le contraire, y en a-t-il d’autres comme moi ?
Élodie
Bonjour, moi aussi je tâtonne et m’interroge beaucoup. Mes enfants sont tous les 2 HPI et TDA/H et pourtant ils ne se ressemblent pas du tout. Mon ex-mari a tout de suite expliqué que lui était HPI et pas moi (ah ah ah !!). Les femmes sont toujours moins visibles et moins testées que les hommes sur les 2 sujets. Bref … J’ai fini par comprendre et valider (test) que je suis TDA. Est-ce de naissance ? Est-ce lié au contexte de vie depuis le début ? Je ne sais pas mais c’est là … Je n’ai jamais fait de test HPI. Je ne ressens pas de besoin à me prouver ou me tester sur ce sujet. Je me sens en décalage permanent, soit plus douée, parfois moins douée, Mais souvent avec plus de sensibilité et moins de confiance. Avec le temps, je me vois beaucoup de point commun avec mes enfants. J’apprends à les apprivoiser et moi aussi. Pour répondre à Elodie, je pense qu’on se fout de l’écart entre 128 et 130. Ce qui compte, c’est la grille de lecture qui aide à se comprendre, sachant comme évoqué par l’article que le HPI ou autre sigle n’explique pas tout. On est. On apprend à faire avec. Il n’y a jamais de noir ou blanc, de réponse certaine, de chemin sûr. Le but, ce n’est pas de trouver une certitude extérieure, mais d’apprendre à croire en soit. Se mettre au centre, avec ceux qui comptent. Et comprendre que les questionnements et les doutes sont juste une manière de réfléchir, une étape, mais qu’on a les ressources pour trouver des réponses et avancer. Je n’en suis pas encore là, mais j’y crois encore …
Bonjour et merci pour votre réaction.
Je réagis à la première partie de votre réponse:
1- si la psychologue vous a dit que votre profil était hétérogène, alors normalement on ne peut pas conclure sur la présence ou l’absence de haut potentiel. Mais cela dépend malgré tout un peu aussi du niveau d’hétérogénéité. Par exemple, pour un élève qui aurait 2 en math et 18 en français, il semble difficile de conclure. Mais s’il a 16 en math et 20 en français pour un seuil à 17, alors c’est hétérogène mais on peut suspecter tout de même un certain potentiel. Le test dépend aussi de la fatique, du stress… Cela peut jouer dans les résultats.
2- Attention: le QI n’est pas une simple moyenne arithmétique des valeurs obtenues aux différents tests. Il s’évalue de façon statistique à partir d’une courbe de Gauss (une courbe en forme de cloche) ou le sommet de la cloche (correspondant à un QI de valeur 100) correspond à la moyenne des réponses fournies au test par un échantillon de population. Le QI d’un individu correspond à son écart statistique par rapport à cette valeur 100 du sommet de la courbe de Gauss. En général, une personne prise au hasard dans la population aura un écart standard, classique, un “écart-type” par rapport à cette valeur 100. On dit que cette écart typique prend la valeur 15. Pour être classé HPI, il faut que le résultat statistique donne un écart supérieur ou égal à deux écarts type, soit 2×15=30 de plus par rapport au QI moyen du sommet de la cloche, soit 30 de plus que 100, soit 130 ou plus.
Pour finir, le test sert surtout à mieux se comprendre et je lis qu’en cela il vous a été utile, pour vous et vos enfants. C’est le plus important, plus que le chiffre en lui même qui n’est qu’un indicateur et qu’on oublie vite…
Il s’agit ici de ma réponse à Élodie Fontaine Pépin
Bonjour,
En fait je pense qu’à travers le test on ne cherche pas un titre ni un chiffre, mais à comprendre un écart par rapport à la norme et donc pour les enfants par rapport au groupe dans lequel ils sont censés évoluer. Cet écart peut se manifester de différentes façons : apprentissages facilités ou non, troubles divers associés ou non, difficultés d’intégration dans le groupe… Le test est un outil qui permet d’expliquer ce décalage et de s’en accommoder. Ma fille par exemple a du mal à interagir avec les enfants de sa classe. Nous savons que selon le contexte sa “sociabilité” pourra s’exprimer plus ou moins favorablement, et cela fait une grosse différence.
Le tout est de savoir ce qu’on cherche à comprendre à travers le test (besoins, décalages, difficultés; sensibilté forte…) pour vivre au mieux avec les caractéristiques qui accompagnent chaque individu. J’en ai 4, et tous différents malgré ce point commun qui les lie dans leurs activités.