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Non, les enfants à haut potentiel ne sont pas des dragons !

Un portrait bien sombre des enfants à haut potentiel, prêtant à confusion, a été dressé cet automne de-ci de-là. De quoi faire fuir tout le monde dès que l'on évoque le sujet ! Cette image-là mérite d'être éclaircie.

L'imagination, une arme au service de l'enfant précoce

Le haut potentiel a été hautement critiqué ces derniers jours, à travers 2 articles récents sur lesquels il me paraît utile de revenir.

L’un dans le figaro, intitulé : “L’inflation des faux enfants surdoués” paru en accès réservé le 31 octobre 2019, et l’autre, satirique, dont le titre “Leur enfant perd son statut d’enfant HP après avoir obtenu la moyenne à un contrôle” est sans équivoque.

Pour ce deuxième article, votre sens de l’humour sera mis à l’épreuve, ne le lisez pas si vous en êtes dépourvu et ne perdez pas de vue qu’il s’agit d’un article à vocation humoristique, pas forcément dénué cependant de quelque vérité, ce qui en fait l’intérêt.

Rétablissons l’équilibre pour le bien de nos enfants!

A la suite de la parution de l’article du Figaro, Virginie P. maman d’un petit garçon de 6 ans et d’une fillette de 3 ans, nous a fait part de ses interrogations.

C’est une bonne occasion de faire un point sur notre vision du haut potentiel et les éventuelles failles de communication qui peuvent mener à ce type d’écrits.

Ils expliquent les difficultés de leur progéniture par la précocité intellectuelle. Une idée erronée mais qui rassure.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/l-inflation-des-faux-enfants-surdoues-20191030

Virginie : Un article publié la semaine dernière dans Le Figaro a attiré toute mon attention. En effet, dans ma sphère professionnelle, amicale et familiale, la majorité des parents que je rencontre, me parlent tous de la précocité de leur enfant.

Est-ce que l’enfant ni précoce ni surdoué ni zèbre existe toujours ? N’est ce pas un appauvrissement généralisé de l’éducation donnée aux enfants, une baisse de QI observée scientifiquement,  qui fait que ceux qui ont la chance de naître dans des milieux stimulants paraissent aujourd’hui précoces ou surdoués ?

Cette question fait écho à la réflexion suivante d’une enseignante en maternelle dans un établissement privé et huppé de l’ouest parisien:

Je n’en peux plus, la moitié de parents sont convaincus que leur enfant est surdoué, ils demandent des noms de psychologues pour faire passer des tests de QI, ….achètent des méthodes de lecture dès 3 ou 4 ans….

le figaro, une enseignante de maternelle

De notre point de vue, le haut potentiel, lorsqu’il fait l’objet d’une suspicion légitime, n’est pas quelque chose de recherché ou souhaité par les parents mais arrive plutôt dans la vie familiale comme un cheveu sur la soupe. La plupart du temps (au moins pour un premier enfant),  c’est une « découverte » ou une « surprise » qui finit par s’imposer après de nombreuses questions et incompréhensions.

Qu’il y ait une volonté de réussite dans certains milieux plus ou moins favorisés ne fait pas de doute, de là à parler systématiquement de haut potentiel ?

A contrario, comme le mentionne Virginie, une certaine baisse du niveau général dans l’éducation peut donner une impression de facilité pour certains domaines de compétences qui seraient moins souvent atteinte par la moyenne des enfants, d’où encore une fois l’idée de réussite scolaire associée, parfois à tort, au haut potentiel.

L’enfant à haut potentiel dans les petites classes pourrait être décrit comme un élève ayant la plupart du temps déjà acquis la majorité des compétences intellectuelles et cognitives attendues en maternelle, sans besoin de forcer quoique ce soit. Ces acquisitions se font naturellement, dès lors que l’enfant s’y sent prêt, pour satisfaire sa simple curiosité et non pas pour satisfaire l’ego d’un parent imbu de lui-même. Nombreux sont les témoignages de parents disant que leur enfant a appris à lire, à dénombrer… tout seul. Nul de dit par là qu’ils ont la science infuse, simplement qu’à force de questionnements (sur des sujets en décalage avec les autres enfants du même âge), ils font les liens et associations qui leur permettent d’obtenir des clés de décodage.   

Virginie : Devons nous réfléchir à les nommer différemment que surdoué ou précoce s’ils n’ont pas de caractéristiques probantes de facilité ? Car cela prête vraiment à confusion.

Le haut potentiel, même s’il est un facteur favorisant la réussite scolaire, n’est pas forcément aisément repérable sur la base de ce seul critère.

Les compétences scolaires, telles que celles évoquées par l’institutrice, en maternelle notamment, ne permettent pas toujours à l’enfant à haut potentiel d’exprimer ses capacités car elles ne se situent pas sur le même plan. Souvent on évoque une grande aisance orale et une maîtrise parfaite du langage avec des phrases bien construites, l’utilisation des temps adaptés, d’adverbes… Or l’expression de  cette aisance orale n’a pas forcément sa place dans les petites classes et l’étape de la maternelle est souvent source d’incompréhension entre l’enfant à haut potentiel et les autres élèves qui ne parviennent pas à communiquer ensemble. Cela reste malgré tout un critère déterminant qui autorise à émettre des doutes.

La facilité ou faculté déterminante, pour l’enfant à haut potentiel, est la capacité de compréhension générale de son environnement et de son fonctionnement, que l’on pourrait résumer sous le qualificatif de « puissance mentale globale », selon les termes de Nicolas Gauvrit.

En cas de doute, la seule alternative est la mesure, valable et validée, par un test de Quotient Intellectuel. A ce propos, il est utile de comprendre ce que mesure le QI et de ne pas le dévoyer. Il mesure le fonctionnement cognitif global d’un individu afin d’en évaluer les forces et les faiblesses.

Qu’on les appelle X, Y ou Z, cela ne change rien au fait que, pour simplifer, les connexions cérébrales se font plus rapidement et induisent des capacités de réaction à divers stimuli plus efficaces.

Ainsi, un haut QI est le signe de capacités cognitives très développées, qui ont besoin de pouvoir s’exprimer dans toutes les sphères de la vie de l’enfant concerné. Ce sont les occasions d’expression qui peuvent faire défaut, en particulier au sein du groupe. C’est pourquoi l’enfant à haut potentiel cherche souvent un contact privilégié avec un adulte ou un enfant plus âgé avec lequel il pourra mieux s’exprimer. 

Est-ce en effet un déficit de fermeté et de contrainte dans l’éducation que nous donnons qui rend les enfants si particuliers et  hermétiques à la frustration ?

Tout dépend de quelle frustration nous parlons.

Une grande majorité d’élèves, quel que soit leur niveau, s’ennuient à l’école et réussissent à le tolérer au même titre que toutes les frustrations. Le fait que cet ennui soit vécu comme intolérable interroge moins le QI que la tolérance à la frustration et le rapport aux limites.

Le figaro, Caroline Goldman

Ce n’est pas aussi simple. Il y a lieu de faire la part des choses entre l’ennui ponctuel et une forme  d’ennui qui peut effectivement s’avérer insupportable lorsqu’elle doit être subie toute la journée et que l’enfant en question ne se trouve qu’à de très rares moments en situation d’apprentissage et d’effort à réaliser. Ces enfants là ne réagissent pas seulement à l’ennui mais aussi à l’incohérence qu’ils ressentent du fait de se trouver au sein même du lieu par excellence des apprentissages et de devoir rester sur leur faim. Il est quand même triste, il faut le dire, de devoir leur expliquer qu’il va leur falloir patienter et ronger leur frein en attendant d’aborder les sujets ou les matières qui les intéressent.

L’intérêt du test de QI n’est pas seulement de pouvoir mettre en évidence une difficulté ou ses raisons lorsqu’elle survient. Un enfant à haut potentiel qui connait sa différence et ses les particularités de son fonctionnement intellectuel pourra apprendre à mieux supporter certaines frustrations, d’où l’intérêt de faire passer le test même lorsque tout semble aller bien. Le but n’est évidemment pas de se démarquer en tant qu’être supérieur (d’ailleurs la plupart du temps les enfants à haut potentiel ne sont pas ces enfants nourris de pleins pouvoirs décrits dans l’article, à moins d’avoir été très mal encadrés) mais d’obtenir les clés nécessaires à la compréhension d’un réel décalage, ce qui permettra de mieux vivre celui-ci..   

Pour la question des limites et de la tolérance à la frustration en général, la question relève plutôt de l’éducation donnée que du haut potentiel. L’enfant HP peut cependant, c’est vrai, s’avérer parfois plus intransigeant et plus en demande de réponse ferme et cohérente qu’un autre enfant, du fait de sa perception pointue de son environnement. Là encore, il s’avère bien utile de connaître ses caractéristiques pour mieux l’entourer et lui fournir un cadre stable.

Pourquoi cette image négative ?

Globalement l’enfant à haut potentiel n’est pas le monstre tyrannique décrit dans cet article, ce serait plutôt un élève intéressé et intéressant et un enfant agréable à vivre.

Cette image de l’enfant pénible ou en difficulté  subsiste pour 2 raisons à mon sens :

  • L’on ne parle que peu des enfants qui fonctionnent bien :

Les forts QI existent dans tous les milieux mais les enfants à haut potentiel sont par exemple surreprésentés dans les les milieux favorisés qui les stimulent davantage. Nicolas Gauvrit.

Le figaro, Nicolas Gauvrit
  • Malgré la mise en évidence de leurs besoins éducatifs particuliers qui commencent à être bien connus, il n’existe aucun automatisme, ni dans la mise en œuvre des mesures préconisées, ni  sur le plan de l’identification ou de la reconnaissance. Cela reste une épreuve pour les parents de venir annoncer les choses, et en ce sens, cela contredit les propos tenus dans le Figaro :

« lorsqu’ils ont affaire à un enfant ingérable, les parents, souvent, sortent l’argument du surdon. C’est devenu une caution à être pénible ».

Il semble aussi, à décharge des enseignants informés et volontaires, que des mesures simples (décloisonnement ponctuel, saut en cours d’année…) sont bloquées par l’accumulation de tracasseries administratives et demandes officielles qui n’aident en rien nos enfants.

Il faut parfois faire preuve d’une patience infinie, au détriment de l’enfant, pour obtenir la reconnaissance du haut potentiel, j’entends par là l’acceptation de facilités et la satisfaction de besoins accrus dans certains domaines, voire de décalages dans d’autres, pour que les particularités de cet enfant qui grandit un peu différemment de la norme soit intégrées le plus tôt possible dans son cursus scolaire.

Comme tout le monde, l’enfant précoce a besoin d’être reconnu pour ce qu’il est, et c’est cette absence durable de reconnaissance qui pourrait, à terme, lui nuire et le transformer en un hypothétique dragon !  

La solution passerait certainement par une organisation générale de la société et du système éducatif plus centrée sur les capacités et centres d’intérêts, que sur l’âge ou la tranche d’âge, mais c’est un autre débat !

Qu’en dites-vous ? Avez-vous un enfant capable de cracher du feu ? Dans ce cas et d’après vous, à quel moment  et pour quelles raisons s’est-il mué en dragon ?

Et si vous pensez qu’il est toujours et encore nécessaire d’informer le corps enseignant sur la réalité de l’enfant à haut potentiel et de ses besoins, n’hésitez pas à soutenir notre grande campagne d’information en nous permettant de diffuser le plus largement possible notre plaquette à destination des écoles.

5 commentaires

  1. Stéphanie le 4 décembre 2019 à 23 h 13 min

    Quand je pense que j’ai dépensé des fortunes en test Wisc, test attentionnel, bilan et séances de psychomotricité, parce que que la maitresse de CP de mon fils (en école publique) sentait que quelque chose n’allait pas.
    Quand je pense que j’ai dû déposer un dossier à la maison départementale du handicap pour qu’il ait (j’espère) accès à un ordinateur et à des séances de psychomotricité remboursées, parce que malgré son extraordinaire éloquence il écrit encore comme un enfant de CP en CE2.
    Quand je pense qu’à sa “précocité” diagnostiquée sans que je ne demande rien sont également associées dyslexie et une dysorthographie…

    J’ai envie de dire aux journalistes ironiques et mal renseignés que, non, le haut potentiel n’est pas une coquetterie de parents des beaux quartiers, mais bien une différence neurologique aux manifestations très variables, et qui peut être bien lourde à porter selon les circonstances.

    Et j’ai envie de dire merci à l’éducation nationale d’avoir enfin avancé sur la question, et merci aux enseignant(e)s de plus en plus nombreu(ses)x à s’investir vraiment dans la prise en compte de nos zèbres pas toujours “parfaitement” rayés…
    N’en déplaise aux cyniques, effectivement, la reconnaissance de ses”problèmes” et de sa “spécificité” par ses proches et par l’école ont permis à mon fils de se débarrasser presque entièrement des tics qui signaient sa grande anxiété. C’est déjà beaucoup…

  2. Aurélie le 7 décembre 2019 à 8 h 37 min

    Merci de cet article. L’article du Figaro m’avait révoltée ! Comme si on cherchait à avoir un enfant précoce …

  3. Sophie le 7 décembre 2019 à 11 h 04 min

    Mon fils de 16 ans a été diagnostiqué HP à l’âge de 7 ans parce qu’il était isolé à l’école et ne supportait pas le cadre scolaire. Plus tard, vers 13h, il a développé des TOCs dont l’origine est le stress généré par l’école. Aujourd’hui, il est toujours seul car son sens de l’humour, ses centres d’intérêt, sa manière de pensée, son hypersensibilité et sa tendance à surréagir créent des difficultés dans ses relations avec les enfants de son âge, qu’il ne comprend pas et qui ne le comprennent pas. Il est en difficulté à l’école car le mode d’apprentissage et la structure du lycée ne lui conviennent pas. Un HP, pour moi, c’est surtout ça. Et en tant que parent, cela demande beaucoup d’énergie et c’est parfois lourd à porter.

  4. SOPHIE34 le 10 décembre 2019 à 10 h 45 min

    Toujours beaucoup de justesse dans vos articles!
    Merci de rectifier ces généralités qui démontrent l’absence de vécu…

  5. Audrey 41 le 10 décembre 2019 à 23 h 25 min

    Merci pour vos articles qui remettent toujours les choses dans leur contexte et les clarifient.
    Je suis enseignante et également mère de 4 enfants dont 3 ont été dépistés HP (le dernier l’étant très certainement). J’ai la chance d’être sensibilisée au Haut potentiel et peux guider un peu plus finement les parents dont les enfants me semblent présenter des caractéristiques HP. Dans ma carrière il m’est arrivé une seule fois qu’un parent me dise que son enfant était HP alors que qu’il ne l’était finalement pas (après test de QI). Les parents d’élèves que je reçois ne s’inventent pas un enfant à haut potentiel, la plupart du temps leurs doutes s’avèrent justifiés. Ceux qui affirment le contraire ne seraient-ils pas envieux de cette “supériorité” intellectuelle ? Au final, nous, parents de ces enfants si différents, nous avons souvent bien du mal à faire reconnaître leurs spécificités et souffrons de les voir souffrir (harcèlement, échec et ou ennui scolaire …) et très peu de solutions nous sont proposées. Nous nous passerions bien de toutes ses difficultés ! Non, le haut potentiel n’est pas une mode mais un bien un mode de fonctionnement intellectuel particulier, qui s’il est pris en compte et reconnu peut devenir un formidable atout ! Nos enfants – tous les enfants- sont des êtres exceptionnels et méritent d’être traités avec respect, même et surtout par les journalistes !

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